Violation d’un accord de coexistence et juge compétent

Cass. com., 5 juillet 2017, n°16-14.764

Les litiges relatifs à un accord de coexistence de marques relèvent de la compétence dérogatoire des tribunaux de grande instance prévue à l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Ce qu’il faut retenir : Les litiges relatifs à un accord de coexistence de marques relèvent de la compétence dérogatoire des tribunaux de grande instance prévue à l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Pour approfondir : Deux sociétés avaient conclu un accord de coexistence entre leurs marques respectives. Ce type de contrat a en effet pour objet de permettre aux parties qui s’engagent de déterminer les conditions dans lesquelles chacune va exploiter sa marque. Il est le plus souvent conclu pour mettre un terme à un différend lorsqu’une personne estime qu’une marque postérieure porte atteinte à ses droits, mais peut également être conclu en amont pour prévenir ce type de différend.

Dans cette affaire, estimant que l’accord n’était pas respecté, une des société signataire de l’accord de coexistence assigna sa contractante devant le Tribunal de commerce sur le fondement de l’article 1134 du Code civil (devenu 1103) et de l’article 1184 du Code civil (devenu 1217), textes qui régissent les contrats.

L’autre partie estimait qu’il s’agissait d’un contentieux de droit des marques, aussi elle souleva l’incompétence du tribunal de commerce sur le fondement des articles L.716-3 et L.717-4 du Code de la propriété intellectuelle.

Ces textes donnent en effet une compétence spéciale aux Tribunaux de grande instance (dont la compétence territoriale est déterminée par décret) pour juger « les actions civiles et les demandes relatives aux marques, y compris lorsqu’elles portent également sur une question connexe de concurrence déloyale ».

Le pourvoi reprochait à la Cour d’appel d’avoir considéré que le Tribunal de commerce n’était pas compétent et faisait valoir que seuls les litiges mettant le juge dans l’obligation d’apprécier la contrefaçon ou l’imitation d’un produit protégé par un dépôt de marque et donnant à juger une question connexe de concurrence déloyale relèvent de la règle de compétence dérogatoire énoncée à l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle. Selon le pourvoi, le litige ne devait pas donner lieu à une appréciation des droits respectifs des parties sur une marque mais tendait seulement à constater l’accord des parties et sa sanction conformément au droit commun des contrats de sorte que la compétence spéciale en matière de marque n’avait pas à s’appliquer.

La Cour de cassation va confirmer la position des juges du fond : l’action tendant à l’exécution forcée de cet accord supposait, pour déterminer les obligations contractuelles de la société G et ses éventuels manquements, de statuer sur des questions mettant en cause les règles spécifiques du droit des marques, en a déduit à bon droit que le litige relevait de la compétence du Tribunal de grande instance de Paris, en application de l’article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle.

Voici une nouvelle illustration de l’application extensive de l’article L.716-3 du Code de la propreté intellectuelle.

A rapprocher : article L.716-3 du Code de la propriété intellectuelle ; article L.717-4 du Code de la propriété intellectuelle

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