Principe de l’interprétation restrictive de la cession de droits d’auteur

CA Aix en Provence, 8 février 2018, n°15/00312

La portée de la cession de ses droits par un auteur s’interprète strictement et ne saurait couvrir des actes de reproduction sur des supports non expressément mentionnés.

Ce qu’il faut retenir : La portée de la cession de ses droits par un auteur s’interprète strictement et ne saurait couvrir des actes de reproduction sur des supports non expressément mentionnés.

Pour approfondir : L’affaire soumise à la Cour opposait un photographe à une agence de communication à qui il avait cédé le droit d’utiliser une photographie pour illustrer une plaquette commerciale et le site internet d’un programme immobilier moyennant un prix forfaitaire.

Or, après avoir découvert la publication de cette photographie dans un hebdomadaire sans son autorisation ni de rémunération supplémentaire, il assigna l’agence aux fins d’obtenir une rémunération complémentaire. Les parties n’avaient pas conclu de contrat de cession, toutefois la facture établie par le photographe comportait une mention relative à l’utilisation de la photographie que le photographe considérait comme limitée à une utilisation précise et unique : sur une plaquette commerciale et un site.

L’agence ne pouvait donc, selon lui, utiliser la photographie dans des périodiques pour des publicités presse sans son autorisation préalable.

Pour sa part, l’agence faisait valoir qu’elle avait utilisé la photographie conformément à la finalité prévue à savoir l’illustration d’un programme immobilier et considérait que les supports papier étaient inclus dans le périmètre de la cession dont elle bénéficiait. Elle faisait également valoir que le prix de la cession par rapport au barème indicatif de l’union des photographes professionnels justifiait de ce que la cession ne pouvait avoir été limitée à ce que revendiquait le photographe.

Selon l’article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle : « La transmission des droits de l’auteur est subordonnée à la condition que chacun des droits cédés fasse l’objet d’une mention distincte dans l’acte de cession et que le domaine d’exploitation des droits cédés soit délimité quant à son étendue et à sa destination, quant au lieu et quant à la durée ». La jurisprudence, constante, apprécie strictement la portée des cessions suivant le principe selon lequel tout ce qui n’est pas expressément cédé est retenu par l’auteur.

La Cour d’appel fait une application prévisible de ce texte en l’espèce. Elle se fonde sur la mention figurant sur la note de l’auteur ainsi rédigée : « droits d’auteur pour l’utilisation d’une photographie pour illustrer la plaquette commerciale et le site internet du programme immobilier à Saint Tropez. Format double page + reprise sur internet tirage 1000 ex. ». Selon les juges, la cession porte uniquement « sur l’illustration d’une plaquette commerciale sans que soit expressément mentionnée l’annonce presse de sorte que l’utilisation de celle-ci dans la revue Paris Match outrepasse l’autorisation donnée, le critère du montant des droits d’auteur ne permettant pas d’établir cette autorisation ».

Voici donc un rappel utile d’une règle constante en droit d’auteur et dont les implications pratiques sont importantes : le cessionnaire doit prévoir toutes les utilisations de l’œuvre dont il acquiert les droits, au risque, sinon, de dépasser les termes de l’autorisation qui lui a été consentie et donc de se voir condamné à ce titre.

A rapprocher : article L.131-3 du Code de la propriété intellectuelle

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