La licence d’utilisation d’un logiciel protège-t-elle son auteur des actes de contrefaçons de son licencié ?

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DEGROOTE Fabrice

Associé

CJUE, 5ème ch., 18 décembre 2019, aff. C 666/18, IT Development SAS c./ Free Mobile SAS

Par une décision en date du 18 décembre 2019, la CJUE a considéré que la violation d’une clause relative à la propriété intellectuelle dans un contrat de licence de logiciel était sanctionnée par la contrefaçon de logiciel.

La modification du code source d’un logiciel par son utilisateur sous licence de son propriétaire est considéré comme un acte de contrefaçon qui doit être sanctionnée au titre de la responsabilité délictuelle. 

C’est ainsi que La Cour de Justice de l’Union Européenne (CJEU) a statué dans un arrêt qu’elle a rendu le 18 décembre 2019 considérant que la violation de la clause sur les droits de propriété intellectuelle d’un contrat de licence de logiciel est sanctionnée par la contrefaçon de logiciel.

Par cet arrêt la Cour répondait à la question préjudicielle qui lui avait été posée par la Cour d’appel de PARIS le 16 octobre 2018 sur une problématique qui portait sur l’application du principe de non-cumul, sur le fondement selon lequel la responsabilité délictuelle doit être écartée lorsqu’une action repose sur la violation d’obligations contractuelles et non sur des faits de contrefaçon de nature délictuelle.

En préliminaire de sa réponse la CJEU rappelle que le droit français a fixé un principe qui implique que, d’une part, une personne ne peut voir sa responsabilité contractuelle et sa responsabilité délictuelle engagées par une autre personne pour les mêmes faits et, d’autre part, la responsabilité délictuelle est écartée au profit de la responsabilité contractuelle dès lors que ces personnes sont liées par un contrat valable et que le dommage subi par l’une d’entre elles résulte de l’inexécution ou de la mauvaise exécution de l’une des obligations du contrat.

Cette question a été présentée dans le cadre d’un litige opposant la société IT Développent SAS éditrice de logiciels à la société Free Mobile SAS opérateur de télécommunication au sujet de la contrefaçon alléguée d’un logiciel et du préjudice en résultant.

Par contrat du 25 août 2010, la société IT Développement avait consenti à la société Free Mobile une licence d’utilisation d’un logiciel dénommé ClickOnSite permettant d’organiser et de suivre l’évolution du déploiement d’antennes de radiotéléphonie par les sous-traitants de la société Free Mobile. A cette licence d’utilisation était attaché un contrat de maintenance de ce même logiciel.

La société IT Développement qui a découvert que la société Free mobile avait modifié le code source du logiciel, alors que la licence l’interdisait, a fait procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux d’un sous-traitant de la société Free Mobile.

En juin 2015, la société IT Développement a alors assigné son co-contractant en contrefaçon de son logiciel lui reprochant d’avoir modifié le logiciel sous licence et demandé une indemnisation du préjudice subi.

Le Tribunal de grande instance de Paris par jugement du 6 janvier 2017 avait jugé irrecevable l’action en responsabilité délictuelle en contrefaçon de logiciel, de la société IT Développement considérant que les fautes de la société Free Mobile étaient de nature contractuelle et relevaient à ce titre de sa responsabilité contractuelle et non délictuelle.

Pour répondre, la CJUE relève que la directive de 2009 ne fait pas dépendre la protection du titulaire des droits d’un logiciel de la question de savoir si l’atteinte alléguée relève ou non de la violation d’un contrat de licence. 

Au vu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question posée que les directives 2004/48 et 2009/24 doivent être interprétées en ce sens que la violation d’une clause d’un contrat de licence d’un programme d’ordinateur, portant sur des droits de propriété intellectuelle du titulaire des droits d’auteur de ce programme, relève de la notion d’« atteinte aux droits de propriété intellectuelle », au sens de la directive 2004/48, et que, par conséquent, ledit titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette dernière directive, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national.

La CJUE considère que la transformation du code du logiciel constitue une atteinte aux droit exclusifs de son auteur, sans précision quant à l’origine, contractuelle ou autre, de cette atteinte.

Ainsi elle estime que la directive de 2004 couvre aussi les atteintes résultant d’un manquement à une clause contractuelle d’une licence de logiciel et que le titulaire doit pouvoir bénéficier des garanties prévues par cette directive, et ce d’autant qu’elle ne prescrit pas l’application d’un régime de responsabilité particulier en cas d’atteinte de ces droits. 

Par cette décision de la CJUE l’auteur d’un logiciel voit la protection de ses droits sur son œuvre de l’expert se renforcer.

A rapprocher : Décision de la CJUE du 18 décembre 2019

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