La Loi de l’e-commerce en Chine

Entrée en vigueur le 1er janvier 2019

Le 11 novembre 2018, journée de « Global Shopping Festival » en Chine, le géant chinois d’e-commerce « Alibaba » a réalisé plus de 27 milliards d’euros de ventes en 24 heures sur sa plateforme e-commerce « Taobao ». Le marché en plein essor fait néanmoins aujourd’hui face à un vide juridique. Devant ce marché à forte croissance, les législateurs chinois ont adopté, le 31 août 2018, la loi sur l’e-commerce afin d’encadrer cette activité (中华人民共和国电子商务法) (la « Loi »). La Loi entrera en vigueur le 1er janvier 2019.

Pour mémoire : En Chine, le 11 novembre, ce n’est pas l’Armistice de la fin de la Première Guerre Mondiale qui est célébrée, mais la « Journée des Célibataires » : les quatre « 1 » alignés (11/11) sont vus comme le symbole de l’individualité.

Le géant chinois d’e-commerce « Alibaba » a inventé à l’occasion de cette Journée des Célibataires, la journée de « Global Shopping Festival » et ce depuis le 11 novembre 2009.

Pour approfondir :

  • Succès de la Fête des Célibataires

Cette année, le 11 novembre 2018, Alibaba a enregistré un nouveau record : plus de 27 milliards d’euros de ventes en 24 heures sur sa plateforme e-commerce « Taobao » (634 millions d’utilisateurs, 180.000 marques exposantes).

Ce chiffre de 27 milliards d’euros de ventes correspond à la valeur totale des marchandises achetées sur ces plateformes (en ce compris les frais d’expédition). De quoi pulvériser le record de 22 milliards d’euros (ce qui est supérieur au PIB de l’Islande par exemple) réalisé l’année dernière. Soit une hausse de 21 % entre 2017 et 2018.

Il s’agit de la plus grande foire commerciale sur Internet.

Selon Alibaba, plus de 40 % des consommateurs chinois ont acheté, le 11 novembre 2018, des biens et services de marques internationales. 237 entreprises ont dépassé les 12 millions d’euros de vente comme Apple, Dyson, Nike, L’Oréal, Adidas… Des ventes ont été générées dans 206 pays et dans 27 devises.

Et ce n’est qu’un début. La classe moyenne, qui compte 300 millions de Chinois, devrait doubler dans les 10 ans à venir.

  • Industrie florissante de la contrefaçon

Victime de son succès, la journée de « Global Shopping Festival » ainsi que les plateformes e-commerce en général, subissent de plus en plus les contrefaçons. Parfum « Gogo Chenale » (lire « Coco Chanel »), chaussures « Ababis » (lire « Adidas ») ou boxers « Caiwen Kani » copiés sur Calvin Klein, les contrefaçons continuent à polluer le marché, détériorer la notoriété des marques, et tromper les consommateurs.

Sur la plateforme « Taobao », en 2017, 240.000 cas de contrefaçon ont été signalés. Sur toutes les 10.000 transactions, 1,49 cas de contrefaçon ont été signalés.

La contrefaçon est un fléau qui impacte non seulement les consommateurs chinois mais aussi les pays étrangers.

Selon l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), la contrefaçon ferait perdre 434 000 emplois en Europe, ainsi que 60 milliards d’euros chaque année.

Les Etats-Unis ont de nouveau placé (fin 2016) Taobao sur leur liste noire des “marchés notoirement réputés” pour vendre des biens contrefaits et violer la propriété intellectuelle.

Alibaba assure que ses méthodes de protection de la propriété intellectuelle sont « parmi les meilleures du secteur » et dit être « en permanence à la recherche de moyens de les améliorer ».

Afin de combler les lacunes de législation dans ce secteur de l’e-commerce, l’Etat chinois a donc décidé de légiférer.

  • Nouvelle Loi de l’e-commerce en Chine

Les législateurs chinois ont adopté le 31 août 2018 une loi sur l’e-commerce afin d’encadrer cette activité en plein essor.

La Loi entrera en vigueur le 1er janvier 2019.

La Loi définit les réglementations applicables aux exploitants, contrats, litiges et obligations de responsabilité dans l’e-commerce. La Loi, qui vise à « protéger les droits et intérêts juridiques de toutes les parties » et à « maintenir l’ordre du marché », exige que tous les opérateurs d’e-commerce protègent les droits et intérêts des consommateurs, ainsi que les informations personnelles, les droits de propriété intellectuelle, la cybersécurité et l’environnement.

La Loi touche également tous les commerçants qui vendent des marchandises sur leur propre site Internet ou via des réseaux sociaux et Messenger comme WeChat, WhatsApp et Yupoo.

Pour résoudre le problème important de la contrefaçon, la Loi prévoit notamment les engagements de l’organisateur d’une plateforme e-commerce :

    • Article 27 : L’organisateur d’une plateforme e-commerce doit enregistrer, vérifier, archiver et vérifier régulièrement les informations relatives à l’exposant sur la plateforme : carte d’identité, extrait Kbis, adresse, coordonnées, etc.
    • Article 31 : L’organisateur d’une plateforme e-commerce doit enregistrer les informations (complètes, confidentielles et exploitables) relatives à une transaction faite sur la plateforme pendant 3 ans : description du produit ou du service, description de la transaction.
    • Article 37 : L’organisateur d’une plateforme e-commerce, qui est au courant ou devrait être au courant des produits en danger ou en contrefaçon, doit réagir avec des mesures nécessaires conformément à la Loi, sinon l’organisateur d’une plateforme e-commerce prend la responsabilité solidaire avec l’exposant de plateforme en cas d’infraction avérée. Si l’organisateur d’une plateforme e-commerce n’a pas correctement vérifié les informations relatives à l’exposant et au produit, sa responsabilité peut être engagée.
    • Article 39 : L’organisateur d’une plateforme e-commerce doit établir un système d’évaluation/notation des exposants dans sa plateforme, afin que les consommateurs puissent avoir des informations sur ces exposants ainsi que le risque de contrefaçon.
    • Article 42 : Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, victime d’une violation de son droit sur la plateforme, peut forcer l’organisateur d’une plateforme e-commerce, en fournissant la preuve de cette violation, à annuler la transaction et à arrêter de fournir les services à cet exposant.
    • Article 80 : les sanctions en cas de violation de l’article 27 & 31 : (1) mis en demeure par l’administration compétente en charge des plateformes e-commerce au sein de l’Administration of Industry and Commerce ; (2) amende entre 20.000 et 100.000 RMB ; (3) amende entre 100.000 et 500.000 RMB pour les cas graves et en cas de récidive.
    • Article 84 : les sanctions en cas de violation de l’article 42 : (1) mis en demeure par l’administration compétente ; (2) amende entre 50.000 et 500.000 RMB ; (3) amende entre 500.000 et 2.000.000 RMB pour les cas graves et en cas de récidive.

A rapprocher :  le texte de la Loi (en chinois)

Sommaire

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