Action individuelle d’un consommateur et cessions de droits

Photo de profil - ALBARIC Cristelle | Avocat associée - Docteur en droit | Lettre des réseaux

ALBARIC Cristelle

Avocat associée - Docteur en droit

CJUE, 25 janvier 2018, aff. C-498/16

Le fait de publier des livres ou de participer à des conférences de manière rémunérée ne fait pas perdre à un utilisateur d’un compte Facebook privé sa qualité de consommateur au sens de l’article 15 du règlement Bruxelles I.

Ce qu’il faut retenir : Le fait de publier des livres ou de participer à des conférences de manière rémunérée ne fait pas perdre à un utilisateur d’un compte Facebook privé sa qualité de consommateur au sens de l’article 15 du règlement Bruxelles I. Il peut donc engager une procédure à titre personnel contre Facebook, en revanche il ne peut agir au nom d’autres consommateurs domiciliés dans le même Etat membre, dans d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers.

Pour approfondir : Maximilian Schrems, un Autrichien a attrait Facebook Ireland (« Facebook »), devant les juridictions autrichiennes en application de l’article 16 du Règlement Bruxelles I, à propos de son compte Facebook et des comptes de sept autres personnes, domiciliées en Autriche, en Allemagne et en Inde, qui lui ont cédé leurs droits pour cette action. Il a reproché à Facebook d’avoir violé plusieurs dispositions en matière de protection des données, notamment au regard des lois autrichienne et irlandaise et de la directive n°95/46/CE du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

Facebook a considéré que les juridictions autrichiennes n’étaient pas compétentes internationalement car le plaignant ne pouvait bénéficier des lois de protection des consommateurs, tel que le Règlement de Bruxelles I, du fait qu’il utilisait sa page Facebook à des fins professionnelles. En effet, M. Schrems avait ouvert un compte Facebook à des fins privées, puis par la suite, une page Facebook afin d’informer les internautes de ses démarches contre Facebook.

Par ailleurs, Facebook a fait valoir que le for du consommateur qui permet à un consommateur d’attaquer une entreprise devant les juridictions de son pays, est strictement personnel, et que l’intéressé ne pouvait donc pas l’invoquer pour les sept autres plaignants.

La Cour suprême d’Autriche a donc demandé à la Cour de préciser les conditions dans lesquelles le for du consommateur pouvait être invoqué et la portée en matière de compétence, d’une cession de droits. La question de la définition du consommateur est récurrente dans la jurisprudence européenne.

Tout d’abord, la Cour a considéré qu’il fallait, en présence d’un utilisateur d’un réseau social numérique, tenir compte « de l’évolution de l’usage qui est fait de ces services » au fil du temps, et que par ailleurs, la qualification de consommateur était « indépendante des connaissances et des informations dont la personne concernée dispose réellement ». Elle a ajouté que l’interprétation de la notion de « consommateur » qui exclurait de telles activités reviendrait à empêcher la préservation des intérêts des consommateurs à l’égard de leurs cocontractants professionnels.

La Cour a donc conclu que l’utilisateur d’un compte Facebook privé ne perd pas la qualité de consommateur lorsqu’il publie des livres, donne des conférences, exploite des sites Internet, collecte des dons et se fait céder les droits de nombreux consommateurs afin de faire valoir ceux-ci en justice. M. Schrems peut donc toujours être considéré comme un consommateur dans ses actions judiciaires conte Facebook.

La Cour a ensuite rappelé, que le for du consommateur a été créé afin de protéger le consommateur en tant que partie au contrat en cause et que dès lors, il ne pouvait bénéficier de cette protection que dans la mesure où il serait personnellement demandeur ou défendeur dans une procédure. Dès lors, celui qui n’est pas lui-même partie au contrat de consommation en cause ne peut pas bénéficier de ce for.

Par conséquent, la Cour a retenu que le for du consommateur ne pouvait pas être invoqué pour l’action d’un consommateur visant à faire valoir devant le tribunal du lieu où il est domicilié, non seulement ses propres droits, mais aussi les droits cédés par d’autres consommateurs domiciliés dans le même Etat membre, d’autres Etats membres ou dans des Etats tiers.

Il faut néanmoins noter, qu’au-delà du cas de Facebook, cette décision intéresse l’ensemble des acteurs du numérique dès lors que leurs utilisateurs font usage de leurs services à des fins professionnelles.

A rapprocher : Articles 15 et 16 du règlement Bruxelles I ; Directive n°95/46/CE du 24 octobre 1995

Sommaire

Autres articles

some
Cryptomonnaie vs. Monnaie digitale de banque centrale
Actualités Si les cryptomonnaies (du type Bitcoin, Bitcoin Cash, Ether, Litecoin) se sont développées au cours des dernières années, l’année 2020 a vu apparaitre de nouvelles monnaies digitales actuellement testées par certaines banques centrales. C’est ainsi que la Chine teste…
some
La loi restrictive des exportations technologiques des entreprises chinoises
La loi restrictive des exportations technologiques des entreprises chinoises (« Loi » – 出口管制法) entrera en vigueur le 1er décembre 2020 et concernera effectivement le contrôle des exportations technologiques des entreprises chinoises à l’étranger. La Chine présente la Loi comme une…
some
Loi sur la protection des renseignements personnels en Chine
Le projet de la première loi spéciale chinoise sur la protection des renseignements personnels (« Projet ») a été soumis le 13 octobre à la session bimensuelle du Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale, la plus haute législature du pays,…
some
La monnaie virtuelle chinoise
La Chine a testé sa monnaie numérique dans ces 4 villes (Shenzhen, Chengdu, Suzhou et Xiong’an) et a désormais sa propre monnaie virtuelle.  Après 6 années de travaux préparatoires, la Banque centrale chinoise (Banque populaire de la Chine) a enfin…
some
La loi antitrust en Chine – le projet de modification en vue d’une régulation renforcée des BATX
La Chine a annoncé la première modification depuis 2008 de sa législation antitrust afin de renforcer la régulation des BATX, l’équivalents chinois des GAFA américains. La législation, qui ne visait auparavant pas les géants de l’internet chinois, devrait désormais s’appliquer…
some
La licence d’utilisation d’un logiciel protège-t-elle son auteur des actes de contrefaçons de son licencié ?
CJUE, 5ème ch., 18 décembre 2019, aff. C 666/18, IT Development SAS c./ Free Mobile SAS Par une décision en date du 18 décembre 2019, la CJUE a considéré que la violation d’une clause relative à la propriété intellectuelle dans…